“Prendre soin de soi”, qu’est ce que ça veut dire ?
J’ai toujours adoré cette phrase : “Prends soin de toi”. Si puissante qu’elle en paraît divine. Et comme tout ce qui ressemble à l’ordre du divin, inatteignable.
Je l’ai aussi entendu plein de fois à mon égard. “Prends soin de toi Colette”. Aussi bienveillante qu’elle puisse paraître, cette phrase m’a toujours paru illisible, voire parfois menaçante. Prendre soin de moi ? Aucune idée de ce que ça voulait dire concrètement. Dans les faits, ça ressemblait à quoi ?
Sans doute de faire attention. De se ménager. De bien dormir, boire et manger. De faire du sport, de se faire du bien en quelque sorte. Un beau programme pour soi donc.
Alors pourquoi cette bienveillance me paraissait si terrifiante ? J’ai bien réfléchi à cela durant ces premiers mois de jachère. Je ne sais pas si ces premiers éléments apporteront une réponse définitive mais je me lance.
Tout le monde ne sait pas prendre soin de soi. C’est mon cas. Je crois que cette phrase anodine qui conclut certains de nos échanges n’a rien de banal. Elle peut venir mettre un sacré bazar chez celle ou celui qui le reçoit. Appuyer sur quelque chose qui vient secouer l’édifice.
“Prends soin de toi” est souvent prononcée dans des moments où l’on se sent vulnérable et que notre interlocuteur, bienveillant, le perçoit. Il nous dit alors de penser à prendre soin de nous. Comme un rappel face à quelque chose que l’on pourrait avoir tendance à oublier. Quelque chose de désagréable à entendre car terriblement associé à l’idée véhiculée partout que les gens qui ne savent pas prendre soin d’eux ont une relation “négative” avec eux-mêmes.
Cette phrase voire ce mantra dorénavant affiché partout peut nuire car, aussi court et anodin que cela puisse être, cela réveille des parts d’intimité qu’on a pas nécessairement envie de voir. Des moments de vie où rien n’a été dans le sens de s’occuper de soi. Parce que ça n’est pas évident de prendre soin de soi naturellement.
C’est même terrifiant parfois de prendre soin de soi, de s’écouter. J’ai préféré dans mon cas m’occuper du cas des autres. “Oh, un chat à la patte cassée, je vais m’en occuper” a été mon principal dérivatif ces dernières années. Pourquoi ? Parce que c’est sans doute plus confortable de faire comme ça que de s’occuper de son cas.
Je trouvais d’ailleurs égoïstes les gens qui prennent soin d’eux. N’y avait-il pas mieux à faire pour l’humanité que de regarder son nombril et penser à ses petits bobos ? Aujourd’hui, j’ai changé d’avis : finalement, l’égoïste, c’était moi. A m’occuper du sort du monde, je n’ai rien fait pour que ça change. Toutes ces belles paroles et ces belles colères, ont-elles aidé quiconque ?
A l’orée de ma période de jachère, je me suis dit qu’il était temps d’essayer de se reposer et de tenter de prendre soin de moi. Honnêtement, c’est sans doute la partie la plus compliquée car je n’ai jamais appris à le faire et que les conseils donnés pour prendre soin de soi ne m’ont jamais parlé. “Aime-toi”, “Prends du temps pour toi”, “Respire”, “Médite”, cela ne fonctionne pas pour moi. Cela ne me dit rien. Pire, ça peut venir m’angoisser davantage.
Comment prendre soin de soi alors ? J’ai trouvé une partie de la réponse dans les activités sans but, ces choses qui ne servent à rien car elles ne rapportent, sur le papier, rien. Des choses pas très prisées donc, car jugées inutiles comme le coloriage. Sans but mais avec un plaisir non dissimulé pour les couleurs. J’ai dû dépenser 100 euros de crayons de couleurs et mandalas chez Rougié & Plé 😅.
Au lieu de regarder les actualités en boucle et de m’exciter sur le sort du monde, j’ai colorié. Moi qui pensait ne trouver rien d’autre qu’une activité pour passer le temps, j’ai retrouvé quelqu’un : moi, ou du moins moi enfant. Celle qui coloriait, peignait, dansait, faisait des bracelets brésiliens, tenait la boutique de légumes du jardin, jouait à la secrétaire médicale et tant d’autres rôles. J’ai retrouvé Colette, la créatrice qui vendait. J’avais même préparé le prix des bracelets brésiliens (oui, c’était encore en Francs, personne ne se moque !).
Un coloriage a commencé à me faire comprendre ce que ça pouvait faire de prendre soin de soi. Quelle puissance cela pouvait donner. Le monde féérique des couleurs a fait renaître des souvenirs, des envies, des idées.
Je trouve les moments de moi à moi plus agréables avec le coloriage. Je n’ai pas besoin de me connecter à moi de manière chaotique en me disant “bon, maintenant, tu prends soin de toi” sans savoir quoi faire. Je n’ai pas besoin de me culpabiliser de ne pas savoir faire. Je fais juste. J’agis. C’est neutre.
J’agis sans injonction, sans me dire que c’est positif ou négatif. Naturellement, je mets de la douceur avec la couleur, je me fais du bien. J’aurais tellement aimé découvrir cela avant ! Pourquoi ne dit-on pas plutôt aux gens : “fais des choses sans but !”?
“Fais de la place dans ta vie”, “fais des choses sans but”, “prends un livre léger”, “colorie un mandala”, “si tu n’as pas d’envie, commence à trier, jeter ce que tu ne veux plus” : le programme n’est pas forcément plus simple mais tellement plus libérateur dit comme ça. Moins culpabilisant. Dans l’action.
Faire quelque chose sans but est sans doute le meilleur cadeau que l’on puisse se faire pour découvrir ce que prendre soin de soi veut dire. Essayez, vous verrez !